[Histoire 2] Otaku Yogama

Ryoko Owari Toshi. Il y a 7 ans.

La cité des mensonges était un lieu en constante évolution, étrange, voire dangereux. La journée, c’était une ville magnifique. Les reflets des bateaux marchands illuminaient le lacs de milliers de couleurs, les jardins des riches demeures dégageaient des senteurs délicates et les femmes étaient d’une compagnie agréable. Camelots, vendeurs, conteurs, bushi... on trouvait de tout à la cité des mensonges, et parfois au détour d’une ruelle sombre, un assassin. En trois jours Yogama avait échappé à trois tentatives d’assassinats. Quelqu’un ne voulais pas de nous ici. Et tout cela pour une histoire de cheval.

La nuit tous les assassins sont gris disaient on, mais ces deux là, le jeune bushi Licorne ne les lâcherait pas. Un homme et une femme, un couple visiblement, se jouaient de lui depuis maintenant 10 bonnes minutes. Ils se laissaient suivre, mais refusaient toujours le combat et l’entraînaient toujours plus loin dans les méandres de la ville. L’idée qu’il s’agisse d’un piège lui avait bien sur traversé l’esprit, mais traversé seulement. Il fallait en avoir le cœur net.

Yogama grimpa sur le toit de la petite boutique de soie, puis se percha sur le rebord du bâtiment. De là il atteignit un autre toit, plus haut, mais surtout plus abrupte. Un nouveau saut le propulsa sur une corniche, d’où il put atteindre le plus haut toit des environs. Il se mit à courir et se lança à la poursuite de la femme. Cette dernière utilisait la magie pour disparaître et s’envoler dans les airs. Pour tenter de la rattraper, il prit de plus en plus de risque et couru de plus en plus vite. Les odeurs de cuissons s’échappaient des fenêtres, des rires d’une maison de Geisha et des cris d’un tripot de jeu. La vie ne s’arrête jamais à Ryoko Owari Toshi. Yogama sauta par-dessus une petite bicoque, une fumerie d’opium, d’après les volutes de fumée, puis repris sa course. La plupart de ses camarades étaient maintenant distancés et c’est finalement seul qu’il rentra dans l’entrepôt. Le couple l’attendait.

L’homme, tout de noir vêtu, était impressionnant. Des longs cheveux noirs dissimulaient son katana, qu’il portait comme un rônin. En fait, là, il l’avait dans sa main droite, la gauche tenant une poignée de shurikens. La lame luisait littéralement d’une lumière brillante, presque aveuglante quand il la rapprochait de son corps. La femme était troublante, une certaine fragilité se lisait sur son visage. Elle devait être malade à en juger les taches sombres qui lui recouvraient les épaules et les avant-bras. Elle serra son compagnon contre lui et disparut, d’un seul coup à travers une ombre, pour réapparaître sur une poutre de la charpente de bois. Aussitôt les ombres les enveloppèrent. Mes trois amis venaient d’arriver. Fait étrange, je ne me souviendrais jamais de leur nom.

Le premier venait de mourir sous les coups de la Licorne. Yogama avait retenu ses coups pour ne pas blesser son compagnon, mais après plusieurs passes d’armes, ce dernier c’était transformé en une créature sans visage. Le deuxième et le troisième attaquèrent en même temps. Leurs lames quasiment invisibles dans la pénombre de l’entrepôt empêchaient Yogama d’anticiper les mouvements de ses assaillants et d’interposer son katana. Le bushi rengaina sa lame et adopta la posture du scorpion endormi. Sa main vint se placer sur le Tsuba finement ouvragé, tandis qu’il pencha légèrement son corps vers l’avant. Yogama grimaça. Etait-il possible que la blessure ne soit plus sérieuse que prévue. La peur due se lire sur le visage de Yogama, puisque les deux créatures attaquèrent le bushi paralysé. Les deux lames s’enfoncèrent dans les flancs de la Licorne. C’est à cet instant précis que la main gauche, caché par le kimono violet du bushi, stoppa l’avancée des lames dans les chaires, tandis que la main droite saisissait le katana et frappait la créature en pleine tête. La deuxième comprit alors que tout l’intérêt de cette technique résidait dans l’expression du visage et le bras gauche. La posture de combat n’était que de la poudre aux yeux. Elle emporta le secret du scorpion endormi dans sa tombe. Plus personnes.

Le silence fut interrompu par l’entrée d’un de mes compagnons, puis par le suivant. Le troisième arriva peu de temps après par une autre porte. Ils venaient de combattre des créatures faites d’ombres et de néant. Tout comme moi. A cette instant le couple réapparu et l’homme prit la parole : « veuillez m’excuser du désagrément, mais il fallait être sur. Je suis Soshi Moroe, et voici mon épouse Shosuro Sadako. Vous trouverez notre fille un peu plus loin. Merci de veiller sur elle ». Il serra sa compagne, lui transperça le ventre avec la lame de cristal, puis se laissa tomber dans le vide.



Otaku Imokko, est maintenant âgée de 14 ans. Elle brandit fièrement son katana de cristal pour sa deuxième place au tournoi de Topaze. Une de mieux que son père Yogama, 8 ans auparavant.

La frontière septentrionale des terres de la Licorne. Il y a 7 ans.


Xian était couché sur la tombe de son maître, faite de petites pierres blanches harmonieusement placées. Le sang qui coulait de ses nombreuses blessures se répandait lentement, au rythme de ses respirations saccadées, sur le sable du jardin zen de cette étrange rônine. Un katana sans tsuba était simplement posé au pied de la tombe. Pourtant, l’atmosphère était paisible, douce. Une quiétude envahissait Yogama et ses compagnons. Même l’énorme Moto, derrière son masque de guerre horrible, semblait ému par la beauté du lieu. Matsu Tetsuo n’avait toujours pas hurlé son nom en brandissant l’épée gaijin, trouvée récemment, au dessus de son kabuto. Xian mourait, et tous retenaient leur souffle pour ne pas troubler son départ. La femme l’accompagna jusqu’au bout.

Il avait fallut trois semaines pour traverser l’empire d’ouest en est. Du Palais du champion d’émeraude au petit village frontalier de la province septentrionale du territoire Licorne. Au delà des montagnes, en empruntant l’unique route possible, on atteignait les terres brûlées. Et au-delà de cet immense désert de feu et de sable, on atteignait les contrées gaijins. Le village licorne était donc le dernier lieu civilisé avant le pays des barbares. C’était également le dernier lieu où acheter des provisions et du matériel. Mais c’était surtout le premier endroit pour dénicher les merveilles rapportées par les caravanes marchandes. Tetsuo, le jeune bushi de l’école Akodo comptait et recomptait sa bourse en admirant une épée massive à la garde d’or et de pierres étranges. 300 kokus. Trop cher, un jour peut être.

Xian nous avait conduit jusque ici pour y retrouver son maître, un ancien magistrat d’émeraude, parti faire son kurichitai. Le dernier grand voyage, celui qu’on accomplit seul et qui nous mène aux frontières de notre vie, avait conduit le magistrat dans cette petite bourgade. Il devait y découvrir le sens de sa vie et de sa mort, il avait découvert un trafic d’objets volés. On l’avait tué.

L’enquête n’avait pas été très compliquée. Le gouverneur local usait de son influence et de ses contactes pour falsifier les registres de l’impôt et détourner l’argent nécessaire à l’achat de marchandises volées. Il les revendait ensuite beaucoup plus cher à des marchands Yasuki ou Daidoji. Il avait bien sur fallut délier les langues, mais Tetsuo et Saro étaient là. Un simple regard du Moto équivalait à une bonne dose de poison shosuro. Quand à Tetsuo, engoncé dans son armure rouge et jaune, maculé de sang et de poussière, il inspirait la peur et le respect. Le repaire des contrebandiers se trouvait dans une caverne à l’extérieure de la ville. A proximité de la cascade, selon les dires de cette femme, une ronine à l’allure princière.

Tetsuo leva son épée et l’abatis sur le crâne de son adversaire tel un forgeron sur une enclume. Le kabuto éclata, la tête du voleur également. D’un geste du bras il envoya le cadavre dans le petit lac en contrebas de la corniche. « A qui le tour » hurla-t-il en brandissant sa lame familiale dans les aires. Un géant s’avança lentement en dehors de la grotte, barrant l’unique accès au repaire. Il prit une énorme épée dans une caisse, fit quelques mouvements pour jauger de la fiabilité de l’arme puis se rua sur Tetsuo en hurlant. Le Lion fit de même. Le choc fut terrible, tel un coup de canon de la grande Muraille. Le bruit de la cascade ne couvrit pas les hurlements. Tetsuo frappa, encore et encore, de plus en plus fort. Chacun de ses coups était plus violent que le précèdent, le Matsu y mettait toute la force de son corps. L’épée s’abattait continuellement sur le géant. Malheureusement sa colère l’empêcha de comprendre que son adversaire parait tous ses coups, les uns après les autres. Il ne vit pas venir le coup du Shinjo. Projeté en arrière, il alla s’écraser contre les rochers. Tetsuo hurla comme un dément, se releva et trancha les lacets de son armure avec son tanto. L’énorme cuirasse de métal glissa maladroitement sur le corps de Tetsuo. D’un coup de pied il écarta cette carapace qui le gênait pour battre le géant. Une bille de plombs vint aussitôt se ficher dans son épaule. Le Shinjo avait profité de cet instant pour utiliser sa fronde. « Lâche, je vais t’éclater. Viens la salopard ». Tetsuo devenait fou furieux.
Il se précipita sur son adversaire en saisissant sa lame de ses deux mains. Il ne sentit même pas la deuxième bille de plomb pourtant reçu en pleine tête. Il donna un énorme coup d’épaule au Shinjo pour le déstabiliser, puis d’un geste lourd et puissant il pivota sur lui-même. Il donna un violent coup de coude dans la mâchoire de la Licorne pour le faire encore reculer, puis il le trancha en deux à hauteur des épaules. « Je suis Matsu Tetsuo de l’école Akodo ». Son cri masqua quelques instant la cascade et raisonna contre les parois de rochers.

Le reste ne fut que formalité. Moto Sara et Tetsuo éliminèrent le reste des hommes, tandis que j’observais la jeune rônine venu nous prêter main forte. Depuis notre première rencontre elle m’intriguait. Elle était d’une beauté parfaite, le contour de ses yeux simplement soulignée par une touche de maquillage et malgré la crasse environnante elle resplendissait. Tout semblait prendre un autre aspect lorsqu’elle apparaissait. Un être touché par la grâce, béni par les kamis.

Elle nous conduisit chez elle tout en nous expliquant comment elle avait trouver le magistrat agonisant dans son sang. Derrière un bosquet de bambous, se dressait une petite maison bordée par un magnifique jardin zen. Xian était là, sur la tombe de son maître qu’il avait vaillamment défendu contre les pillards venus effacer les traces de leur forfait. .Ikko accompagna le fier destrier Otaku jusqu’à la fin. Attrister par tant de beauté, les fortunes accueillir Xian à leurs cotés.



L’empereur béni mon mariage avec Ikko quelques années plus tard et lui accorda le nom de Iuchi Ikko. Elle est aujourd’hui Ikko Yogama, veuve et daimyo de la famille Yogama du clan de la Licorne.

Territoire du Clan du Lion. Il y a 7 ans.

Des milliers de créatures hideuses et déformées firent leur apparition sur les collines environnantes. Matsu Tetsuo les observa de la longue vue gaijin. « Des gobelins en première ligne. Ils vont sûrement se jeter sur nous comme des rats pour nous désorganiser. Kinawa tu devrais faire resserrer les rangs. » Tetsuo parlait ou plutôt hurlait, tout en regardant les troupes adverses. Il était impatient de charger à travers les rangs gobelins pour se tailler un chemin de sang jusqu’aux immenses monstres à la chaire putride et nauséabonde. Tetsuo montrait toujours le chemin à ses hommes. « Je vois onze Oni no Kochiro, j’espère que leur...merde, leur maître est là. Bon celui là, c’est pour moi. Hé Kinawa t’a entendu, le gros Kochiro c’est pour moi ».

Le samouraï Akodo n’avait pas entendu, trop occuper à donner ses derniers ordres. Aux hommes qu’Akodo Toturi lui avait céder pour cette bataille. Il savait très bien qu’une fois les troupes engagées, qu’une fois le combat commencé, il serait trop tard pour diriger efficacement les hommes. Kinawa se saisit de deux lourds tessens et donna l’ordre aux bushi de modifier leurs positions. Le nombre d’archers fut doublé. Il fallait absolument éradiquer le plus de gobelins possible. Une fois dans les rangs, ces créatures semaient une pagaille monstre et empêchaient les hommes de faire face aux Onis. Kinawa s’arrêta un instant. Son Ancêtre Akodo Mataro avait combattu avec succès des Kochiro, pourquoi ne pas reprendre sa tactique. L’instant d’après Kinawa avait apporté de nombreuses petites modifications au plan de son Ancêtre. Il fallait tenir compte du relief, des forces en présence, de l’équipement et du moral des troupes. La bataille était entrain de se jouer maintenant dans un silence inquiétant. « Pourquoi ils hurlent pas comme des chiens enragés. D’habitude c’est des vrais ... C’est à cause de l’Arbre. »

Agasha Shiryu, le shugenja du Dragon, venait d’apparaître derrière Tetsuo. « L’arbre est important pour eux aussi. En cas de victoire, ils ouvrent un passage avec leur monde. Ils sont en train d’adresser des prières à destination du Sombre Kami. Ils sont proches de Lui assurer un nouveau domaine en plein cœur de l’Empire. Tu imagines le Lion construire une Muraille en soixante jours. Il nous faut absolument gagner cette bataille. » Tetsuo grogna une insulte à destination de Shiryu, bien sur qu’il fallait l’emporter. Le shugenja ne releva pas, Tetsuo grognait tout le temps avant un combat. Le futur maître du Feu regarda une dernière fois ses compagnons shugenja. Ils étaient prêts, prêts à combattre, prêts à mourir. Les puissants d’entre eux avaient entamés un puissant rituel destiné à protéger l’Arbre. Plus tard il irait se joindre à eux, mêler sa voix et son pouvoir à leurs incantations pour adresser ses prières aux fortunes. Seuls les fortunes pouvaient lutter contre les séides du Sombre Kami. Encore fallait-il les décider. La bataille s’annonçait aussi spirituelle que meurtrière. Mais pour l’heure il fallait attendre.

Yogama n’aimait pas attendre. Chevauchant sa monture Otaku, il tranchait au milieu des cavaliers du clan du Lion, muets et immobiles, tels des statues de bronze. Même leurs chevaux étaient immobiles. Lui était en ébullition, sa rage a peine contenu. Son regard se posait régulièrement et rapidement sur les différentes troupes engagées dans le combat.
Il avait confiance en Shiryu. Lui et les shugenja Kitsu protégeraient l’Arbre.
Les hommes de Kinawa assureraient la protection des shugenja.
Tetsuo irait briser les rangs adverses, tels un marteau sur une simple cloison de paille.
Quand à lui, dissimulé dans la forêt avec troupes Lions, il devrait attendre que toutes les troupes ennemies se soient misent en mouvement. Alors, il pourrait charger depuis le haut de cette colline, profitant de l’élan et de la vitesse de son cheval pour enfoncer l’arrière garde et les flancs de l’armée de l’outre monde. Mais cela pouvait prendre facilement deux longues heures. Deux longues heures à attendre, à voire des samouraïs se faire tuer par des monstres à la force surhumaine, à entendre les cris des shugenjas brûlés par des jets de feu venu du ciel.


La bataille se passait mal. Les hommes de Tetsuo furent noyés sous une mer de gobelins habilement dissimulée par les Maho-Tsukaï. Malgré tout, le guerrier Matsu avançait droit devant, se taillant un chemin à coup de No-Dashi. De temps à autre, il lançait dans les aires son immense arme Gaijin, une épée dotée d’une large lame qui arrachait les têtes plus qu’elle ne les coupait. Son avancée fut stoppée par un immense Oni à trois bras.
Mais Kinawa réagissait vite, les ordres se succédaient les uns après les autres. Les tessens et les bannières volaient dans tous les sens pour indiquer aux hommes la marche à suivre. Il donna l’ordre aux Akodo d’aller soutenir le flanc gauche des Matsu. Il libérait ainsi la partie droite du champs de bataille en espérant que les Lions du haut de leur colline comprendraient qu’il faudrait si engouffrer. A même moment, il faisait sonner la retraite pour les Matsus. Si tout se déroulerait comme il le pensait, la cavalerie viendrait balayer les créatures totalement désorganisées par leur course sur l’arrière garde Matsu. Les Akodo n’aurait plus qu’à achever les créatures à terre tandis que les cavaliers remonteraient prendre de la vitesse sur la colline opposée.

Kinawa hurla en voyant Yogama à la tête de la cavalerie foncée vers les rangs adverses. Le Licorne n’allait pas là où il avait espérer. Il allait droit sur les généraux adverses. Les Matsus étaient condamnés et les Akodo se feraient tailler en pièce, l’Arbre était perdu.

Puis Kinawa comprit et fit résonner les tambours dans toute la vallée. Il fallait maintenant anticiper la débâcle de l’ennemi. Le contingent Licorne n’était pas au complet, et leur course folle soulevait un énorme nuage de poussière qui masquait aux maho-Tsukaï la charge du reste de la cavalerie sur les premières lignes. Alors que les cavaliers Lions enfonçaient les rangs, Yogama et sa troupe amorcèrent un large demi tour en arrière pour venir participer à la charge.



La bataille de l’Arbre de Vie fut longue et meurtrière. Les pertes furent lourdes. La quasi-totalité des shugenja Kitsu perdirent la vie en protégeant l’Arbre du Clan du Lion... Ce fut une victoire pour l’Empire.